Derrière la surcharge, une perte de boussole

La multiplication des tâches, des projets, des canaux et des objectifs crée une illusion de productivité. Pourtant, dans beaucoup d’équipes, cette accumulation mène à l’essoufflement : plus personne ne sait vraiment ce qui compte, ni ce à quoi il faut renoncer. Le risque ? Une perte de sens, de cohérence, et à terme, d’efficacité.

Cette logique est bien documentée par la sociologie des organisations. Le flou sur les priorités, ce que Crozier appelait l’« incertitude organisée », peut devenir un mode de fonctionnement : chacun tente d’agir sans heurter les autres, au prix d’une complexité croissante. À force de vouloir tout traiter, on finit par ne plus décider.

Une équipe noyée dans l’urgence silencieuse

Dans une organisation en pleine croissance, une équipe support (RH, juridique, finance) avait vu son périmètre s’élargir sans réel ajustement. Elle jonglait avec des urgences opérationnelles, des demandes projet, des reporting de direction… et un discours constant sur l’initiative.

À première vue, tout semblait fonctionner. Mais en atelier, une autre réalité est apparue :

« On est tout le temps occupés, mais on ne sait plus vraiment à quoi on sert. »

« Je passe mon temps à traiter des demandes qui changent de priorités en cours de route. »

La cartographie des activités a révélé une liste de plus de 80 tâches en parallèle, dont une partie à faible valeur ajoutée, hors périmètre, ou en doublon. Aucune tâche n'était arbitrée. Les outils de pilotage existaient (tableaux de suivi, reporting hebdomadaire) mais personne ne les utilisait pour décider. Les collaborateurs ressentaient une pression implicite à tout accepter. L’équipe manquait non pas de ressources, mais de cap collectif et de critères clairs pour prioriser : aucune légitimité collective n'avait été construite pour dire "non", ou même, "plus tard".

Lorsque nous avons travaillé sur une révision concertée de leurs missions et de leurs filtres de décision, un espace s’est rouvert : capacité à dire « non », réduction de la charge mentale, retour à des objectifs communs. Résultat : plus de lisibilité, moins d’agitation.

La surcharge n'était pas, comme bien souvent, un problème de charge de travail pure, mais un manque de repères partagés sur ce qui comptait vraiment. Sans boussole stratégique ni filtre collectif, tout devenait urgent, et rien ne redevenait jamais simple.

Distinguer les vraies urgences des fausses

Dans un environnement sans repères clairs, tout finit par sembler prioritaire. C’est ce qu’Yves Clot appelle le travail empêché : celui que l'on sait important, mais qu’on n’a jamais le temps de faire. À l’inverse, des tâches sans impact réel mobilisent l’attention, simplement parce qu’elles sont visibles, ou attendues.

Savoir prioriser, c’est donc d’abord pouvoir évaluer : qu’est-ce qui crée de la valeur pour notre équipe, aujourd’hui ? Quels sont les signaux à ne plus écouter ? Qu’est-ce qu’on fait par habitude, et qu’est-ce qui mérite d’être vraiment accompli ?

Quelques leviers concrets pour réancrer les priorités

• Revenir aux finalités collectives : pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?

• Clarifier les responsabilités et les marges de manœuvre

• Créer un filtre de priorisation partagé (critères, temporalités, arbitrage)

• Instaurer des temps réguliers de mise à plat pour faire le tri

Redonner de la respiration à l’action collective

Faire moins, mais mieux, ce n’est pas ralentir pour ralentir. C’est retrouver du discernement dans ce que l’on fait. C’est créer un cadre où l’action redevient lisible, motivante, alignée sur ce qui compte. En redonnant du sens aux priorités, les équipes regagnent en efficacité… mais surtout en solidité.

Nos articles ouvrent des perspectives, notre approche leur donne un cadre.

Et si vous repensiez vos priorités collectives ? Nous aidons les équipes à retrouver du discernement dans l'action.